Un laser, pour quoi faire ?
Au moment de sa découverte, le laser fait naître les espoirs les plus fous, inspirés de la science fiction et il se présente comme la solution magique à bien des problèmes : utilisation pour faire fondre les dangereux icebergs, remplacement du réseau téléphonique par un rayon laser, transport des hautes tensions continues supérieures au million de volts ( ?)... Laissant de côté ces applications fantaisistes (ou, pour ce qui concerne les télécommunications, prématurées), certains voient dès 1965 le réel intérêt du laser comme bistouri de lumière pour les applications médicales, comme potentiel outil permettant d'obtenir la fusion nucléaire, comme découpeur de précision pour les métaux, ou comme moyen de stocker l'information (les CDs) et d'obtenir des images en relief (l'holographie).
Cependant, toutes ces applications sont inaccessibles dans les premiers temps du laser et les gens de l'époque se demandent à quoi peut concrètement servir cet appareil. Il est amusant de remarquer que le laser ne fut pas inventé en réponse à un besoin exprimé par l'industrie, la communauté scientifique ou le grand public, contrairement à la plupart des inventions majeures du XXème siècle. En effet, si les centrales nucléaires furent développées pour répondre à la demande croissante en énergie, si les ordinateurs ont été mis au point pour permettre de réaliser des calculs toujours plus complexes, si la mécanique quantique a été construite pour résoudre les problèmes théoriques non résolus tels que le rayonnement du corps noir ou l'effet photoélectrique, le laser est quant à lui sorti de nulle part, ou presque. Bien sûr, quelques théoriciens devenus célèbres (Townes, Schallow, Basov, Prokhorov and co) planchaient sur le sujet afin de transposer au domaine optique les amplificateurs de micro-ondes qu'on appelle Maser. Bien sûr certains scientifiques étaient intéressés par la prédiction de l'émission stimulée par Einstein et tentaient d'observer cet effet expérimentalement. Mais personne n'avait « besoin » du laser. Personne n'attendait son invention pour l'appliquer à quoique ce soit de réellement utile. Le meilleur exemple en est donné par Artur Schallow, l'un des glorieux inventeurs du laser: « Les machines à écrire seront un jour équipées d'un laser qui effacera les fautes de frappe. En une fraction de seconde, le rayon vaporise l'encre de la lettre sans laisser la moindre trace sur le papier ». Alors, le laser ne serait destiné qu'à devenir un « super-corrector pour dactylos distraites » ? Dans les premières années suivant sa mise au point, le laser est un sujet de railleries pour bon nombre d'industriels. Même les scientifiques de haut niveau s'y mettent : « Nous avons l'habitude d'avoir un problème et de chercher une solution. Dans le cas du laser, nous avons déjà la solution et nous cherchons le problème » annonce Pierre Aigrain (ancien secrétaire d'état à la Recherche, Chercheur et membre de l'Académie des Sciences à l'époque de la découverte du laser)
L'avenir prouvera que de nombreux problèmes ont été résolus grâce au laser et que les réalisations ont atteints les rêves des premiers temps (télécommunications, arme laser, fusion par laser, bistouri laser...). Ce qui ne semblait qu'un encombrant « joujou » pour les chercheurs est aujourd'hui unanimement cité parmi les inventions majeures du siècle dernier, au plan de la physique comme au plan des applications. Le laser a maintenant atteint une maturité qui lui ouvre des domaines très variés et de plus en plus larges : traitement des matériaux, biomédical, instrumentation et mesure, show laser....